la faim du tigre, la fin de l'homme...

Publié le par am lectrice

La faim du tigre - René Barjavel

La faim du tigre - René Barjavel

« Ce livre, dans lequel Barjavel s’interroge sur l’avenir de l’humanité,

a obtenu le prix Lecomte du Nouÿ, en 1973 ».

 

Barjavel, je ne vais pas présenter ici l’auteur. J’imagine que lr lecteur éventuel de ce texte le connait déjà un peu.

Et pourtant c’est en lisant la petite préface que je note qu’il a fait des études au collège de Cusset près de Vichy. Je relève cette information car depuis j’ai appris que Maurice Constantin-Weyer, l’écrivain né à Bourbonne-les-Bains en Haute-Marne en 1881, a vécu, lui, au Cusset et que le collège porte d’ailleurs son nom.

Mais Barjavel est né le 24 janvier 1911 à Nyons (Drôme) et décède le 24 novembre 1985. A-t-il connu Maurice Constantin-Weyer ? Se sont-ils croisés ?

 

Cela fait déjà quelques années que j’ai lu ce livre. Je vais donc juste recopier les passages que j’ai relevés d’un onglet adhésif (ou papillon adhésif ou languette adhésive…).

 

 

Le début :

« Jamais je ne m’habituerai au printemps. Année après année, il me surprend et m’émerveille. L’âge n’y peut rien, ni l’accumulation des doutes et des amertumes. Dès que le marronnier allume ces cierges et met ses oiseaux à chanter, mon cœur gonfle à l’image des bourgeons. Et me voilà de nouveau sûr que tout est juste et  bien, que seule notre maladresse a provoqué l’hiver et que cette fois-ci nous ne laisserons pas fuir l’avril et le mai. »

 

Au dos du livre on peut lire cette phrase

« Je donnerais tous mes autres livres pour celui-ci »

(Barjavel)

 

Page 31

«…

« Bien sûr… Il n’y a qu’à vivre… C’est ce que nous faisons tous, c’est ce que tu fais d’habitude. Mais il suffit d’un instant… Tu es assis là, sur une pierre chaude ou le sable de la plage, ou sur le bois poli de la chaise où tu t’assieds jour après jour pour travailler. Tu te reposes ou tu travailles, ou tu manges ou tu bois ton café. Toute la vie coule autour de toi. Et toi avec. »

 

Page 70

« Un dé à coudre empli de tourbillons de rien : c’est l’humanité.

Découpez, en trois milliards. Prenez votre part. Voilà le baigneur ! c’est l’homme. Je.

Moi qui écris ce livre…

Moi qui le lis…

Je suis un trois-milliardième de dé à coudre.

Cet acier dur, c’est du vide, tourbillons, néant. C’est un couteau zéro. Ma main pareil. Mon cœur non plus… Pourtant, si cette main zéro prend ce couteau de vide et le plante dans ce cœur de rien…

Aïe !...

La vie, la mort, la souffrance ne tiennent pas dans le dé à coudre. »

Page 73… un paragraphe du genre à faire monter au créneau les vegans de 2018…je pense aux excessifs, comme il en est, en tout genre…

Mais il est surtout question de nature, d’êtres vivants, de la terre, la Terre qui nous héberge.

« Vous ne vous -----êtes jamais demandé ce que pouvait éprouver la feuille de salade tranchée à vif, arrosée de sel et de vinaigre, broyée par vos dents solides… Écoutez-les vivre. Retenez votre respiration. Les feuilles s’étirent, se défroissent dans la fraîcheur qui s’accentue. Oui, vous les entendez vivre, vous sentez leur odeur vivante. Ce sont des êtres vivants… Asseyez-vous au milieu d’elles, à même la terre, qui sous vos paumes est curieusement tiède alors que l’air qui coule du cerisier sur vos épaules est de plus en plus frais. Ne bougez plus, respirez moins. Lentement, encore plus lentement. Paisible. Passif. Essayez de vous sentir salade… »

 

Oh ! J’entends déjà le jardinier hausser les épaules ! qui aurait l’idée de planter des salades sous un cerisier ?? je vous le demande !!!

Quelle idée saugrenue ! voici qu’il faudrait risquer de piétiner les salades pour aller cueillir les cerises. Rien que ça !

Monsieur Barjavel vous n’êtes pas sérieux !

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Page 105

« …. Si une espèce disparaît, c’est qu’elle a été remplacée par une autre plus meurtrière, ou plus efficace dans la production de la chair consommable.

« Le comportement général du monde vivant fait penser à celui du légendaire catoblépas, dont l’appétit et la stupidité étaient si grands qu’apercevant le bout de sa queue il s’en saisit, commença à la manger et continua jusqu’à ce qu’il se fût entièrement dévoré. Mais le monde vivant n’est pas stupide : il est contraint.  Il ne peut subsister qu’en dévorant sa propre chair. »

 

Page 163

« Peu importe, si nous savons combien de feuilles porte la tige de la graminée, si nous connaissons le volume des quatre poches de l’estomac du ruminant, si nous pouvons mesurer le temps que met l’influx nerveux pour aller du cerveau à la main de Pascal qui écrit les Pensées !

Et Qui a construit l’Usine ?

Personne, évidemment, puisqu’elle était déjà là lorsque nous sommes nés.

Vous l’avez vu, vous, le Constructeur ?

Certains pourtant affirment : il fut un temps où à la place de l’usine il y avait seulement un terrain vague. Alors vint le Grand Contremaître. Il frappa dans ses mains, et l’usine fut. Et il dit aux ouvriers : « Au boulot ! et que ça saute !

Et attention ! Nous ne le voyons pas, mais il est toujours là, assis au sommet de la grande cheminée. Il nous regarde à travers la verrière et il note tout ! Si nous traînons, si nous sabotons le travail, à la sortie il nous raye des contrôles et on est bon pour l’asile de nuit. Mais si on est gentil et appliqué, alors on a droit au camping sur la Côte du ciel d’Azur, en congé payé éternel… »

 

Page 195 sur les libre-penseurs, ou la pensée libre… ou peut être sur le changement de l’éducation entre celles de nos arrières, grands, parents et nous-mêmes et nos descendants… à moins que ce ne soit tout autre chose et que je n’aie rien saisi. Mais que de messages dans le moindre de ces mots :

 

« Mon père avait été enfant de chœur et le vieux curé de Bellecombes, qui ne parlait que patois et latin, l’avait traité comme on traite, dans ces montagnes désolées, les catéchumènes et les troupeaux de brebis maigres : à coups de gueule et de pied dans les fesses. Ça ne lui avait rien montré ni démontré. Dès qu’il fut un homme indépendant, gagnant sa vie avec le bon travail de ses mains, il s’inscrivit, pour proclamer que son esprit, lui aussi, était émancipé, à la Libre Pensée. Je me souviens avoir vu passer, étant enfant, le convoi funèbre d’un libre penseur. Ils étaient trois à l’enterrement. Il y avait le tambour de ville, qui portait le drapeau tricolore, il y avait mon père et le défunt. Ils traversèrent les rues vies du village sous les regards scandalisés des fenêtres protestantes et catholiques habituellement ennemies et d’où tombait, vers la rue ensoleillée, la même réprobation glacée. »

« De cette population bipartite momentanément unie par le scandale, et des trois naïfs scandaleux qui faisaient leur chemin en lui tournant le dos, de tous ces « bien-pensants » et de ces « libres penseurs », les deux qui « pensaient » encore et celui qui ne pensait plus, lequel ou lesquels pensaient comme il convient pour pouvoir un jour penser ce qu’il faut ? »

Voilà, et comme on dit en examen de philo : « vous avez 2 heures ! »

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Retour vers cette nourriture sous forme de médicament que l’on nous prédisait, Barjavel prône-t-il la non-consommation de viande ? en 1966 déjà ?

Mais il n’a pas résolu le problème sous lequel on croule aujourd’hui : celui de l’emballage ! mais… je plaisante… ou pas !

Page 214

« On produira par synthèse, en usine, à l’accéléré, des aliments complets stérilisés, vitaminés, aromatisés, empaquetés par rations, consommables à la sortie de l’emballage. Nous sommes une des dernières générations sauvages mangeuses de laitues et de viande sanglante. Nos pas très lointains descendants frémiront d’horreur à la pensée de ces proches ancêtres qui se nourrissaient de racines, de graines, de tubercules terreux, et qui égorgeaient des bêtes et les coupaient en morceaux pour les manger. »

 

« L’homme se trouve devant deux destins possibles : périr dans son berceau, de sa propre main, de son propre génie, de sa propre stupidité, ou s’élancer, pour l’éternité du temps, vers l’infini de l’espace, et y répandre la vie délivrée de la nécessité de l’assassinat.

Le choix est pour demain. »

….

 

1966...

1974…

Dès 1972, l'idée de présenter un candidat à l'élection présidentielle suivante circule dans les milieux écologistes. Le 7 avril 1974, quelques jours après la mort du président Georges Pompidou, divers groupes et personnalités de l'écologie (Amis de la Terre, Pollution Non, Jean Carlier et les Journalistes-écrivains pour la nature et l'écologie) affichent leur volonté de présenter une candidature écologiste pour l'élection présidentielle. Sont sollicités Philippe Saint-Marc, qui préfère entreprendre un rapprochement avec Valéry Giscard d'Estaing, Théodore Monod qui à 72 ans refuse s'estimant trop âgé, et le commandant Jacques-Yves Cousteau qui se récuse aussi. Charles Loriant, partisan de l'économie distributive, est « candidat à la candidature » écologiste mais ses thèses, peu connues de la mouvance écologiste, sont contestées, et sa candidature est écartée.

Après le retrait du syndicaliste de Lip, Charles Piaget, René Dumont accepte à 70 ans de se présenter en tant que premier candidat écologiste.

(source pour 1974 : Wikipédia fiche de René Dumont).

 

 

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La faim du tigre de René Barjavel.

 

Éditions Folio n°847 – 2013 (premier dépôt dans cette collection octobre 1976)

© éditions Denoël 1966

 

Autres articles sur les livres de Barjavel dans ce blog: 

- les chemins de Katmandou 1 et 2 

- Ravage

 

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